René d’Anjou, Autour du nid, (1896) – Première partie

René D’ANJOU alias Renée GOURAUD d’ABLANCOURT (1853-1941)

Autour du Nid

Nouvelle illustrée

in

La Jeune mère ou l’éducation du premier âge. Journal illustré de l’enfance. 23ème année, n°268, 1896


A dix-sept ans, il quittait le collège où dix années de labeur l’avaient tenu courbé, presque sans vacances, presque sans sorties ; il avait vécu sans caresses, le pauvre petit, et cependant, dans sa jeune âme dévouée, la nature avait mis un grand amour de la famille.
Ses deux diplômes de bachelier en poche, Jean court joyeux vers le foyer paternel et dans son enthousiasme pur, non encore effleuré de la lassitude des ans, il confond, en son coeur vierge, la maison, la famille et la mer, ses trois seules amours !
Il rêve le long des grèves, marchant vite vers son village : un sourire ému se joue sur ses lèvres imberbes au revoir des choses connues.
Voici la grille, il s’avance ; sa mère est sur le seuil, et c’est un long baiser.
– Cher fils, tu reviens, sois le bienvenu ; ta vaillance à l’étude a mérité le succès, tes parents sont heureux, tu seras véritablement l’appui de leur vieillesse.
Et quand survinrent le père, et la sœur, et les frères, ce furent de nouvelles étreintes.

– Jean ! c’est Jean ! le meilleur de tous !
La maison était grande, confortable ; le parc, le bois, le verger, splendides ; cette végétation, si près de la mer, semblait une oasis et les enfants l’aimaient, ce nid de leur enfance.
Vrais Vendéens, liés au sol, ce fut un arrachement de leur coeur, lorsqu’un soir, brusquement, le père, présidant la table de famille, laissa tomber des mots de ces lèvres tremblantes :
– J’ai vendu le Cassero, j’ai de nombreuses charges et beaucoup de soucis ; Jacques et Jean ont terminé leurs études, il leur faut une autre position que celle de coureurs de grèves. La froide économie que vous avez vu, sans cesse, présider à toutes nos actions me dicte, une fois de plus, sa triste loi : Jacques ira à Paris ; un parent de sa mère doit s’occuper de lui ; j’ai sur Jean d’autres vues.
– Moi, père, je veux être soldat ! je me présenterai à Saint-Cyr, je serai admis, je réussirai, j’ai la foi, et tant de courage : avec cela on n’échoue pas. Vous serez fier de moi, père, un jour je deviendrai général.
Le père fronça le sourcil.
– En notre siècle d’indépendance, les jeunes gens sont audacieux. Où as-tu pris, mon fils, une telle résolution, sans l’assentiment de tes parents ?
– C’était mon but, c’était mon rêve ; on ne fait bien que ce qu’on aime faire et la vocation est un souffle du ciel.
– Le devoir, tu veux dire. En faisant de grands sacrifices pour ton instruction, je préparais un avenir à tous ; tu es bien doué, robuste, intelligent, instruit, ces dons de Dieu sont pour toi et pour nous. Écoute et soumets-toi :

(A suivre)

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